2.4.5 Argument d'un nombre complexe. Forme trigonométrique

Puisqu'un nombre complexe est un vecteur du plan, on peut parler de l'angle entre deux vecteurs. Dans les définitions élémentaires des angles et des notions qui s'y rattachent (mesure, fonctions trigonométriques), on confond allègrement l'angle, orienté ou non (notion géométrique), et sa mesure (notion algébrique), le cosinus de l'angle et le cosinus d'un nombre...

Les deux théorèmes qui suivent permettent de donner un sens précis à la notion de mesure d'un angle.

Théorème 2.4.3 (Exponentielle complexe, admis)
Il existe une unique fonction à valeurs complexes, définie pour tout $ z \in {\mathbb{C}}$, appelée exponentielle, notée $ z\longmapsto\exp(z)$, dérivable par rapport à $ z$ et vérifiant :

\begin{displaymath}\left\{
\begin{array}{l}
\exp'(z)=\exp(z)\\
\exp(0)=1
\end{array}\right.
\end{displaymath}

De plus, pour $ x$ réel, $ \exp(x)$ est l'exponentielle réelle. On notera donc encore $ z\longmapsto e^z$ l'exponentielle complexe. On a enfin

$\displaystyle e^{z_1+z_2}=e^{z_1}.e^{z_2}$ et en particulier $\displaystyle e^{x+iy}=e^x.e^{iy}, \left\vert{e^{x+iy}}\right\vert=e^x$ (x et y réels)$\displaystyle .$

Commentaires et compléments :

On a parlé de dérivabilité, sans avoir défini cette notion pour une fonction de variable complexe, pour avoir un théorème correct ; c'est la condition pour avoir l'unicité. On ne l'utilisera pas ailleurs.

Pour les curieux $ \displaystyle e^z$ est la somme de la série $ \displaystyle \sum_{n=0}^\infty \frac{z^n}{n!}$

Théorème 2.4.4 (Mesure des angles, admis)
Soit $ z \in {\mathbb{C}}$ tel que $ \vert z\vert=1$. Alors $ z$ s'écrit

$\displaystyle z=e^{i\theta}$ avec $\displaystyle \theta\in{\mathbb{R}}$

On a

\begin{displaymath}\left\{
\begin{array}{l}
e^{i\frac{\pi}{2}}=i \\
e^{i\theta...
...\theta_2=\theta_1+2k\pi (k\in{\mathbb{Z}})
\end{array}\right.
\end{displaymath}

2.20

\includegraphics{/home/jr/tex/alg/mes.eps}

Commentaires :

L'image $ M$ de $ z\:(\vert z\vert=1)$ est sur le cercle $ C(O,1)=\{z\in{\mathbb{C}}/\vert z\vert=1\}$ de centre $ O$ et de rayon 1, appelé cercle trigonométrique.

Le théorème affirme l'existence d'au moins un nombre réel $ \theta$ - en fait d'une infinité différant les uns des autres de $ 2k\pi$ - qui mesure la longueur de l'arc de cercle de $ A$ à $ M$ ou de l'angle orienté $ (\overrightarrow {OA},\overrightarrow {OM})$ (ceci est une définition de la mesure des arcs et des angles) . On peut voir la fonction $ \theta\longmapsto e^{i\theta}$ comme l'enroulement d'un fil gradué autour du cercle tigonométrique, la graduation $ \theta$ s'appliquant sur le cercle au point $ M(e^{i\theta})$.

Proposition 2.4.3 ( Propriétés supplémentaires de $ e^{i\theta}$)
$ \displaystyle \forall \theta\in{\mathbb{R}}, $ $ \displaystyle e^{-i\theta}=\overline{e^{i\theta}}=\frac{1}{e^{i\theta}}$ et $ {(e^{i\theta})}^n=e^{in\theta} (n\in {\mathbb{Z}})$ (formule de De Moivre) $ \displaystyle e^{i\pi}=-1\qquad e^{i\frac{3\pi}{2}}=-i\qquad e^{2ik\pi}=1 $ $ (k\in {\mathbb{Z}}).$

Démonstration :

De $ \displaystyle \left\vert{e^{x+iy}}\right\vert=e^x$ on tire $ \left\vert{e^{i\theta}}\right\vert=1$. De plus $ \displaystyle e^{i\theta}.e^{-i\theta}=e^0=1=e^{i\theta}.\overline{e^{i\theta}}$, d'oł les premières égalités.

Pour $ n \in {\mathbb{N}}$, $ \displaystyle ({e^{i\theta}})^n=e^{in\theta}$ se démontre par récurrence (exercice). Pour $ n\in{\mathbb{Z}},\:n<0$, on a $ {(e^{i\theta})}^n=(e^{-in\theta})^{-1}=e^{in\theta}$ d'après ce qui précède. Les autres formules s'en déduisent pour $ \displaystyle \theta=\frac{\pi}{2}$.

C.Q.F.D.

Définition 2.4.5
Soit $ z \in {\mathbb{C}}$ $ ^*={\mathbb{C}}-\{0\}$. L'unique nombre $ \theta\in{\mathbb{R}}$ tel que $ \displaystyle \frac{z}{\vert z\vert}=e^{i\theta}$ et $ 0\leqslant\theta<2\pi$ s'appelle l'argument de $ z$ et se note $ \mathbf{Arg(z)}$.

La décomposition $ \displaystyle z=\vert z\vert e^{i\mathrm{Arg}(z)}$, avec $ \vert z\vert>0$ et $ 0\leqslant \mathrm{Arg}(z) <2\pi$, s'appelle la forme trigonométrique de $ z\ne 0$.

Tout nombre $ \theta\in{\mathbb{R}}$ tel que $ \displaystyle \frac{z}{\vert z\vert}=e^{i\theta}$ vérifie $ \theta=\mathrm{Arg}(z)+2k\pi$ et se note $ \arg(z)$.

Remarques :

1. Du point de vue de la syntaxe, cette définition est incorrecte : $ \arg(z)$ ne désigne pas un nombre précis mais un nombre défini à $ 2\pi$ près. On disait autrefois que $ \arg(z)$ était une fonction multiforme i.e. une « fonction » associant à chaque valeur de la variable plusieurs images.

2. Le choix de l'intervalle $ \left[0,2\pi\right[$ est arbitraire. Tout intervalle de longueur $ 2\pi$ aurait fait l'affaire. Par exemple, il est courant de lui préférer $ \left]-\pi,\pi\right]$2.21.

3. Si $ {\displaystyle z=\rho e^{i\theta}, (\rho\ne0, \theta \in \mathbb{R}})$, $ \rho e^{i\theta}$ n'est pas nécessairement la forme trigonométrique de $ z$. En effet

$\displaystyle \vert z\vert=\vert\rho\vert= \begin{cases}\rho & \text{si $\rho>0$},\ -\rho & \text{si $\rho<0$}. \end{cases}$    

J.Rodary
1998-20?? : tant qu'y'a d'la vie y'a de l'espoir :-)